Natacha Mercier

Rien de surprenant que Natacha Mercier ait employé le mot « Hével » pour définir son travail. Dans Vanitas, un travail pictural amorcé depuis 2009 sur l’illusion et la finitude, l’artiste se nourri des références aux vanités flamandes, et questionne les limites de la perception de l’œil et des impasses de l’ostentation.

Vasistas ?, la nouvelle série de peintures sur toile de Natacha Mercier, s’inscrit dans le prolongement des Vanitas. Elle examine plus encore la question de la frontière ; voir ce qu’il y a sous l’habit, jusqu’où regarder derrière la surface de l’interdit, dans l’ordre établi des choses. Interpellée par la similitude des personnes qui s’exhibent sur internet dans des poses lascives et suggestives et les canons de la grande tradition de la peinture occidentale, elle fait rejouer les scènes à des modèles vivants qu’elle peint.

Abolissant les frontières entre profane et sacré, la série Vasistas ? joue avec nos références patrimoniales et culturelles et nous engage à réfléchir aussi bien au temps qu’au statut de l’image.

CORSA

GETTING TO KNOW TO CORSA

Le "work in progress" mené depuis 2006 sur mon Opel Corsa B, aujourd’hui        immobilisée du haut de ses 529 971 kilomètres, a été consacré dans Point mort au Centquatre à Paris en 2008 et dans Hével au théâtre Sorano à Toulouse au printemps 2014.
Tout a commencé avec une rencontre improbable que je n’oublierai jamais : un homme d’une trentaine d’années qui avait déjà réglé ses funérailles. J’avais onze ans.

"Baptisée 599 BPT 91 pour la première fois à six kilomètres le 12 octobre 1995, l’Opel Corsa B City noire de série fut immatriculée de nouveau le 12 février 1999 du numéro 7820 SZ 03. Le 31 août 2001. La préfecture de l’Allier me délivra mon premier permis de conduire : “le permis B”. J’avais déjà acquis mes réflexes de conductrice sur cette petite voiture deux ans avant de passer mes premières leçons de conduites à Cérilly, dans l’Allier. C’est vrai, je me suis souvent laissée emporter avec elle dans mes apprentissages : ce n’est qu’un 1,5 l Diesel ! A vingt-trois ans, la conscience de mes limites n’était pas très claire et je montais facilement dans les tours. Pour me faire pardonner, je l’entretenais en temps et en heure : ma Corsa n’a jamais été rancunière. J’ai racheté Corsa à son propriétaire lors de notre séparation en 2002 alors qu’elle avait 292 000 kilomètres. Immédiatement, j’ai ôté le siège arrière afin de la transformer en ”utilitaire”. Je me suis alors installée dans le Cher et nous avons préféré déguster un plateau de fruits de mer accompagné de vins adéquats plutôt que faire changer la carte grise à mon nom. Au fil du temps, je pris soin d’elle ; je commençais à la ménager et je conservais toutes ses pièces usagées, y compris son huile de vidange… Je parlais d’elle à mon entourage comme d’une personne surtout quand elle franchi la barre des 350 000 kilomètres. Les premières esquisses de son enterrement apparurent quand des signes de vieillesse se firent sentir (fumée excessive dans les reprises, usure anormale des pneumatiques, affaissement de la portière conducteur) : c’est le projet de « Mise en bière ». Ce projet original de Mise en Bière prend la forme d’un enterrement classique pour une automobile. Cet événement artistique sera vécu comme le pastiche d'un véritable enterrement en trois temps (la veillée, la cérémonie et l'enterrement) avec un faux prêtre, un vrai cercueil, un vrai livre de condoléances, un vrai cortège... dans un cheminement itinérant. Cette Mise en Bière mettra à contribution un bon nombre d'artistes. Il s'agira d'un événement collectif, social, convivial. Aujourd’hui, Corsa est immobilisée du haut de ses 529 249 kilomètres : l’état de sa carrosserie ne me permettait plus d’être rassurée au volant. En effet, son amortisseur arrière droit avait traversé le tour de roue désormais dentelé par la rouille pendant ma résidence d’artiste dans le Lot, pendant l'été 2013. Les routes sinueuses de ce temps de résidence lui auront été fatales. Je me suis livrée à un petit calcul : Depuis le 10 octobre 1995, les roues de Corsa ont effectué à peu près 600 millions de tours. Elle a consommé l’équivalent d’une citerne de semi-remorque c'est-à-dire 30 000 litres de gasoil ! Compte tenu de son état statique, les dessins d’impression de calamine sur papier présentés pour l’exposition inaugurale au Garage à Brive sont ses dernières expressions plastiques…"
Natacha Mercier, Sur ma Corsa B. Work in progress, de 2006 à aujourd’hui.

L’OPEL CORSA B
Son histoire

« Tout a commencé avec une rencontre improbable que je n’oublierai jamais : un homme d’une trentaine d’années qui avait déjà réglé ses funérailles. J’avais onze ans.
Baptisée 599 BPT 91 pour la première fois à six kilomètres le 12 octobre 1995, l’Opel Corsa B City noire de série fut immatriculée de nouveau le 12 février 1999 du numéro 7820 SZ 03.
Le 31 août 2001. La préfecture de l’Allier me délivra mon premier permis de conduire : “le permis B”. J’avais déjà acquis mes réflexes de conductrice sur cette petite voiture deux ans avant de passer mes premières leçons de conduites à Cérilly, dans l’Allier.
C’est vrai, je me suis souvent laissée emporter avec elle dans mes apprentissages : ce n’est qu’un 1,5 l Diesel !
A vingt-trois ans, la conscience de mes limites n’était pas très claire et je montais facilement dans les tours. Pour me faire pardonner, je l’entretenais en temps et en heure : ma Corsa n’a jamais été rancunière.
J’ai racheté Corsa à son propriétaire lors de notre séparation en 2002 alors qu’elle avait 292 000 kilomètres. Immédiatement, j’ai ôté le siège arrière afin de la transformer en ”utilitaire”. Je me suis alors installée dans le Cher et nous avons préféré déguster un plateau de fruits de mer accompagné de vins adéquats plutôt que faire changer la carte grise à mon nom.
Au fil du temps, je pris soin d’elle ; je commençais à la ménager et je conservais toutes ses pièces usagées, y compris son huile de vidange…
Je parlais d’elle à mon entourage comme d’une personne surtout quand elle franchi la barre des 350 000 kilomètres. Les premières esquisses de son enterrement apparurent quand des signes de vieillesse se firent sentir (fumée excessive dans les reprises, usure anormale des pneumatiques, affaissement de la portière conducteur) : c’est le projet de « Mise en bière ». Ce projet original de Mise en Bière prend la forme d’un enterrement classique pour une automobile.
Cet événement artistique sera vécu comme le pastiche d'un véritable enterrement en trois temps (la veillée, la cérémonie et l'enterrement) avec un faux prêtre, un vrai cercueil, un vrai livre de condoléances, un vrai cortège... dans un cheminement itinérant.
Cette Mise en Bière mettra à contribution un bon nombre d'artistes. Il s'agira d'un événement collectif, social, convivial (dossier complet à consulter sur www.natacha-mercier.com).
Aujourd’hui, Corsa est immobilisée du haut de ses 529 249 kilomètres : l’état de sa carrosserie ne me permettait plus d’être rassurée au volant. En effet, son amortisseur arrière droit avait traversé le tour de roue désormais dentelé par la rouille pendant ma résidence d’artiste dans le Lot. Les routes sinueuses de ce temps de résidence lui auront été fatales.
Compte tenu de son état statique, les dessins d’impression de calamine sur papier présentés aujourd’hui sont ses dernières expressions plastiques pour l’exposition inaugurale au Garage. La feuille est placée devant le pot d’échappement pendant les premières minutes après son démarrage.
Les 529 249 kilomètres parcourus en Europe depuis sa naissance (des trajets parfois multiples comme Berlin, Brest, Venise, Frankfurt, Toulouse, Ile de Noirmoutier, Barcelone, Rome, Porto… ) sont retracés avec sa propre huile de vidange sur une feuille suffisamment épaisse pour l’absorber et donner un aspect presque fantomatique de ses déplacements. La carte se présente « en symétrie », en effet, Corsa est « passée derrière le miroir »…
Je me suis livrée à un petit calcul : Depuis le 10 octobre 1995, les roues de Corsa ont effectué à peu près 600 millions de tours. Elle a consommé l’équivalent d’une citerne de semi-remorque c'est-à-dire 30 000 litres de gasoil !
Natacha Mercier, Sur ma Corsa B. Work in progress, 2006 à aujourd’hui.


Son album photo
























Calamines



Calamine, 2013, impression de calamine d'échappement d'Opel Corsa B de 529 249 kms sur papier, 32,4 x 45 cm, co-production Le Garage, Brive

 « (…) En prenant comme outil son Opel Corsa B de 529 249 kilomètres, Natacha Mercier a composé de très minutieux dessins, des relevés graphiques auratiques, des halos mystérieux, des traces qui subsistent, précis dépôts de calamine… Les papiers placés contre le pot d'échappement ont "simplement" reçu l'impact des résidus malpropres échappés du moteur à explosion : ces traces sont ce qui subsiste de chaque démarrage, ce que l'explosion a finalement déposé, des bulles de calamine imprimées par simple contact... Ces méchants résidus polluants contredisent notre émotion première et la ridiculisent. Si légèrement et joliment tracées, ces bulles ironisent. Fascination détestable, on sourit. (…) »
Yannick Riffault, extrait de « Still Life », août 2009.


Paintings













Le projet de Mise en bière
Ce projet original de Mise en Bière prend la forme d’un enterrement “classique” pour une automobile. Cet événement artistique sera vécu comme le pastiche d’un véritable enterrement en trois temps (la veillée, la cérémonie et l’enterrement) avec un faux prêtre, un vrai cercueil, un vrai livre de condoléances, un vrai cortège... dans un cheminement itinérant. Le point de départ de cette initiative est inspiré de faits réels et personnels : des dérives actuelles du marché de la mort aux conduites fétichistes de certains propriétaires d’objets - automobiles et pour l’amour que l’artiste porte à sa Corsa B qu’elle souhaite voir mourir de mort naturelle : elle lui offre cet hommage pour ultime voyage. Cette « Mise en Bière » mettra à contribution un bon nombre d’artistes. Il s’agit d’un événement collectif, social, convivial. Plusieurs mois de travail seront nécessaires à l’artiste afin de bien envisager toutes les facettes de cet événement en trois temps. Corsa n’a que 450 478 kilomètres au compteur…
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Coffin time
This original project of burial takes the form of a "standard" funeral for a car.
This artistic event will unfold like the pastiche of a real funeral and will include three stages-the wake, the ceremony and the burial, with a bogus priest, a real coffin, a real condolence book, a real funeral procession... in a touring progression. The starting point of this initiative drew its inspiration from actual and personal facts: from today's abuse on the part of the death market to the fetishistic behaviour of some owners of automobile objects and to honour the love the artist has for her Corsa B, which she hopes will die a natural death: she offers her car this tribute for her last journey. This funeral will call upon many artists' services. It will be a collective, social and convivial event.

Translated from French by Stéphanie Denève.

RÉFÉRENCE :

Sweet souvenirs